“Le privilège d’une ville ancienne c’est qu’elle fabrique en permanence sa modernité sur ce conflit entre le vieux et le moderne .”
Roland interprété par Fabrice Luchini Dans Paris un film de Cédric Klapisch (2008)
Notre imaginaire faisait de Gap une ville fortifiée par son écrin de montagnes et son histoire ancienne. Elle nous est apparue imperceptible. Digne des espaces urbains européens, la ville se fait écho de l’évolution architecturale moderne : une hybridation.
Au fil des pérégrinations urbaines, les regards sont devenus vagabonds. Ici et là, l’emboîtement des pierres, des textures, des géométries, nous font perdre racine. Derrière sa muraille naturelle, Gap apparaît comme une ville en suspension où la singularité urbaine de la cité ne semble pouvoir s’apprécier qu’en prenant de la hauteur de vue. La ville ne se raconte pas aisément tant sa construction est traversée par les âges, les styles, les crises adolescentes architecturales. Gap se cache, s’ignore et finit par s’oublier, oscillant entre transparence et opacité, profondeur et surface. Pièce après pièce, le voyageur reconstitue un puzzle urbain dont les contours ne sont que le fruit de son imagination. Dans la hauteur des constructions ex nihilo, Gap nous échappe et nous questionne. Gap est une Chimère Urbaine.
L’acte photographique restitue l’impression hybride du vagabondage urbain. Délibérément expérimentale, la photographie instaure un dialogue insaisissable entre l’image fictive et l’image documentaire: un espace de trompe-œil. Les vues extérieures et intérieures témoignent de la juxtaposition architecturale en strates comme une carte d’identité de la ville. Les fenêtres sont autant l’œil du photographe que le regard supposé d’un promeneur curieux. Par le point de vue intérieur, ces brèches montrent ce qui peut être de ce côté. Confrontée aux espaces réels, la déambulation imaginaire crée une nouvelle urbanité à la croisée de « ce qui est » et de « ce que je crois être ». Le jeu champ/contre-champ met en exergue une conversation absurde entre les « divers-cités » de la ville. L’hybride urbanité est ainsi un décor scénique coupé de ses racines terriennes, attaché à un ailleurs sans repère.